Jordan Plevnes - écrivain, dramaturge, fondateur de l’Académie Européenne de Film, Théâtre et Danse à Skopje.
Pourquoi SEE à Paris ?
Durant la dernière décennie du XX-ième siècle, en pleine guerre et massacres interethniques en ex-Yougoslavie, au Festival des étonnants voyageurs de St Malo, un journaliste a posé la question à Nicolas Bouvier "Comment vous définissez les Balkans?". L'auteur de 'L'usage du monde", livre considéré comme la Bible des écrivains voyageurs, qui était un fin connaisseur de chaque millimètre de l'Europe, y compris les Balkans, a répondu : "Les Balkans, c'est l'Europe profonde."
“Pourquoi?", insistait le journaliste.
“Parce que la tragédie antique est née dans les Balkans, mais après la tragédie grecque, il y a eu les tragédies qui se sont multipliées. Avec la naissance des identités nouvelles, s'ajoutait toujours une tragédie de plus, la tragédie roumaine, la tragédie turque, la tragédie bulgare, la tragédie serbe, la tragédie macédonienne, pour ne pas parler de la tragédie bosniaque, la tragédie monténégrine, la tragédie albanaise, y compris kosovare”. Et Bouvier continuait, "un théâtrologue américain a écrit que la tragédie est une invention purement européenne. C'est pour cela que les Balkans, c'est l'Europe profonde, et les Balkans sont le coeur de l'Europe aussi. Cette Europe profonde, ventre des nations et des frontières brouillées, avec les conflits et les frontières éteints par les maladies mortelles de nationalisme."
Durant la dernière décennie du XX-ième siècle, en pleine guerre et massacres interethniques en ex-Yougoslavie, au Festival des étonnants voyageurs de St Malo, un journaliste a posé la question à Nicolas Bouvier "Comment vous définissez les Balkans?". L'auteur de 'L'usage du monde", livre considéré comme la Bible des écrivains voyageurs, qui était un fin connaisseur de chaque millimètre de l'Europe, y compris les Balkans, a répondu : "Les Balkans, c'est l'Europe profonde."
“Pourquoi?", insistait le journaliste.
“Parce que la tragédie antique est née dans les Balkans, mais après la tragédie grecque, il y a eu les tragédies qui se sont multipliées. Avec la naissance des identités nouvelles, s'ajoutait toujours une tragédie de plus, la tragédie roumaine, la tragédie turque, la tragédie bulgare, la tragédie serbe, la tragédie macédonienne, pour ne pas parler de la tragédie bosniaque, la tragédie monténégrine, la tragédie albanaise, y compris kosovare”. Et Bouvier continuait, "un théâtrologue américain a écrit que la tragédie est une invention purement européenne. C'est pour cela que les Balkans, c'est l'Europe profonde, et les Balkans sont le coeur de l'Europe aussi. Cette Europe profonde, ventre des nations et des frontières brouillées, avec les conflits et les frontières éteints par les maladies mortelles de nationalisme."
“Il faut revisiter les Balkans après les guerres” me disait Bouvier avant sa disparition prématurée. L’épopée de l’Europe lui semblait liée à cette “Europa Prima”, berceau de la mémoire universelle, “Eldorado de la préhistoire”, lieu unique avec ses théâtres antiques, ses édifices romains, les premières synagogues sur le sol européen, les mosaïques et les fresques Byzantines avec lesquelles la renaissance européenne a commencé, les mosquées colorées et les caravanes sérails de l’époque ottomane. C’est de là que sont partis les manuscrits médiévaux des Bogomiles et des Cathares qui évoquent les traces des hérétiques entre les Balkans et l’Occitanie, déclenchant les révolutions intellectuelles européennes du moyen Age jusqu’à nos jours.
Pour célébrer son souvenir, plusieurs écrivains, cinéastes, historiens, intellectuels de Balkans et de la région du sud-est européen, nous nous sommes réunis à Prilep, la ville mythique de Macédoine, et nous avons érigé une simple pierre de marbre, où nous avons gravé son nom : Nicolas Bouvier (1929-1998). C'est le seul monument soupra-national et la seule phrase pour laquelle on peut avoir un consensus : “Les Balkans sont le coeur de l'Europe”. Il y avait parmi nous le président d'honneur du Festival de film français à Ohrid, le grand cinéaste français Yves Boisset, et une décision interbalkanique a été prise de créer un festival à Paris, qui va réunir toutes les cinématographies de cette partie de l'Europe.
Pour célébrer son souvenir, plusieurs écrivains, cinéastes, historiens, intellectuels de Balkans et de la région du sud-est européen, nous nous sommes réunis à Prilep, la ville mythique de Macédoine, et nous avons érigé une simple pierre de marbre, où nous avons gravé son nom : Nicolas Bouvier (1929-1998). C'est le seul monument soupra-national et la seule phrase pour laquelle on peut avoir un consensus : “Les Balkans sont le coeur de l'Europe”. Il y avait parmi nous le président d'honneur du Festival de film français à Ohrid, le grand cinéaste français Yves Boisset, et une décision interbalkanique a été prise de créer un festival à Paris, qui va réunir toutes les cinématographies de cette partie de l'Europe.
La naissance d’un Festival
A l’ouverture de la première édition du festival au printemps 2011, Yves Boisset, le Président d’honneur de SEE à Paris a dit : "Il faut se faire une raison. On connaît plus les Balkans pour leur conflits fratricides et souvent un peu obscurs à nos yeux béotien que pour leur cinéma. Fatale erreur! Au delà des Tziganes heureux de Sasa Petrovic et de ceux plus agités de Kusturica émerge aujourd’hui un cinéma balkanique inventif, parfois même explosif. Gageons qu’avec l’aide du Festival SEE à Paris, ce nouveau cinéma balkanique deviendra un cinéma majeur! D’ailleurs il nous l’a promis! "
Je me souviens d’avoir déclaré que ce Festival sera une fenêtre culturelle des pays du Sud Est Européen dans cette Ville Lumière que Dante Alighieri voyait, en pleine Renaissance, comme la Patrie universelle de l’Esprit. Jean Monnet disait que pour recréer l’Europe il faudrait commencer par la culture!
Le Festival a également reçu le support et le patronage de la directrice générale de l'UNESCO, Mme Irina Bokova : "Le Festival SEE à Paris est une initiative qui encourage la création artistique des cinéastes de 12 pays de l’Europe de sud-est, et qui favorise les échanges culturels. SEE à Paris est consistant avec les buts et les objectifs de l‘UNESCO dans le domaine de la culture."
A l’ouverture de la première édition du festival au printemps 2011, Yves Boisset, le Président d’honneur de SEE à Paris a dit : "Il faut se faire une raison. On connaît plus les Balkans pour leur conflits fratricides et souvent un peu obscurs à nos yeux béotien que pour leur cinéma. Fatale erreur! Au delà des Tziganes heureux de Sasa Petrovic et de ceux plus agités de Kusturica émerge aujourd’hui un cinéma balkanique inventif, parfois même explosif. Gageons qu’avec l’aide du Festival SEE à Paris, ce nouveau cinéma balkanique deviendra un cinéma majeur! D’ailleurs il nous l’a promis! "
Je me souviens d’avoir déclaré que ce Festival sera une fenêtre culturelle des pays du Sud Est Européen dans cette Ville Lumière que Dante Alighieri voyait, en pleine Renaissance, comme la Patrie universelle de l’Esprit. Jean Monnet disait que pour recréer l’Europe il faudrait commencer par la culture!
Le Festival a également reçu le support et le patronage de la directrice générale de l'UNESCO, Mme Irina Bokova : "Le Festival SEE à Paris est une initiative qui encourage la création artistique des cinéastes de 12 pays de l’Europe de sud-est, et qui favorise les échanges culturels. SEE à Paris est consistant avec les buts et les objectifs de l‘UNESCO dans le domaine de la culture."
Un avenir sans frontières
L'image souvent fausse des Balkans, favorisée par les milieux politiques dominateurs du monde a contribué à une confusion régionale, et il n'y a pas une seule frontière, commençant par la frontière slovéno-croate jusqu'à la frontière gréco-turque où il n'y a pas des tensions. Pendant les trois ans du festival, jamais la cinématographie n'est tombée dans les pièges des jeux politicards, et l'espace de cinéma est resté un espace où l'espoir peut seulement renaître avec le rêve Européen. Même dans son dernier interview, le cinéaste grec Theo Angelopoulos a parlé d'une nécessité des Balkans unifiés dans l'Europe unie.
Depuis la création de SEE à Paris, une quarantaine de longs métrages ont étés présentés, et une trentaine de films documentaires et courts métrages. Le Festival organise également les rencontres traditionnelles des écrivains balkaniques et européens, et des concerts de musique qui symbolisent l'union musicale des Balkans et de l'Europe. Cette année, INALCO est devenu partenaire du Festival, et en juillet il y aura lieu l'édition spéciale Docs à Paris pendant le Campus européen.
Dans l'espace cinématographique de SEE, les frontières commencent à disparaître, avec la diffusion de films primés dans les capitales de cette partie de l'Europe, comme Istanbul, Veliko Trnovo, Belgrade, Skopje, Pristina, Dures, Drac, Cetinje et Mostar. C'est un projet qui va ouvrir la voie de Jean Monnet et la maison commune d'Europe.
Et si le Balkans sont le coeur de l'Europe, le Festival de cinéma et de culture SEE à Paris est le cri venu de l'Europe profonde.
Sur les traditions de la Charte d'Elysée signée entre Charles De Gaulle et Konrad Adenauer il y a 50 ans, SEE à Paris, avec les jeunes cinéastes des 12 pays va lancer la création d'un Office des jeunes de SEE, et à l'égard de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), le SEE à Paris va créer un réseau d'amitié entre les jeunes cinéastes et créateurs albano-serbes, bosniaquo-croate, serbo-bosniaque, gréco-macédonienne, bulgaro-turque, gréco-turque etc. C’est le seul avenir possible dans les circonstances d’aujourd’hui, pleines de turbulences et parfois de désespoir.
SEE à Paris sera consacré l’année prochaine au Centième anniversaire de la Premiere Guerre mondiale, qui se déroulait exactement dans les Balkans avec le fameux attentat de Sarajevo. Un grand débat sera organisé à l'INALCO, une anthologie de films sur le sujet de la première guerre mondiale, des livres de différents langues balkaniques qui ont inspiré des documentaires et des films de fiction, pour montrer la bonne volonté des créateurs de cette Europe profonde. La belle formule historique du grand balkanophile français Jacques Lacarrière (1925-2005) est de grand actualité aujourd’hui : Nous avions milliers mille hiers dans le passé, mais un seul demain dans l’avenir, c’est l’Europe unie.
L'image souvent fausse des Balkans, favorisée par les milieux politiques dominateurs du monde a contribué à une confusion régionale, et il n'y a pas une seule frontière, commençant par la frontière slovéno-croate jusqu'à la frontière gréco-turque où il n'y a pas des tensions. Pendant les trois ans du festival, jamais la cinématographie n'est tombée dans les pièges des jeux politicards, et l'espace de cinéma est resté un espace où l'espoir peut seulement renaître avec le rêve Européen. Même dans son dernier interview, le cinéaste grec Theo Angelopoulos a parlé d'une nécessité des Balkans unifiés dans l'Europe unie.
Depuis la création de SEE à Paris, une quarantaine de longs métrages ont étés présentés, et une trentaine de films documentaires et courts métrages. Le Festival organise également les rencontres traditionnelles des écrivains balkaniques et européens, et des concerts de musique qui symbolisent l'union musicale des Balkans et de l'Europe. Cette année, INALCO est devenu partenaire du Festival, et en juillet il y aura lieu l'édition spéciale Docs à Paris pendant le Campus européen.
Dans l'espace cinématographique de SEE, les frontières commencent à disparaître, avec la diffusion de films primés dans les capitales de cette partie de l'Europe, comme Istanbul, Veliko Trnovo, Belgrade, Skopje, Pristina, Dures, Drac, Cetinje et Mostar. C'est un projet qui va ouvrir la voie de Jean Monnet et la maison commune d'Europe.
Et si le Balkans sont le coeur de l'Europe, le Festival de cinéma et de culture SEE à Paris est le cri venu de l'Europe profonde.
Sur les traditions de la Charte d'Elysée signée entre Charles De Gaulle et Konrad Adenauer il y a 50 ans, SEE à Paris, avec les jeunes cinéastes des 12 pays va lancer la création d'un Office des jeunes de SEE, et à l'égard de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), le SEE à Paris va créer un réseau d'amitié entre les jeunes cinéastes et créateurs albano-serbes, bosniaquo-croate, serbo-bosniaque, gréco-macédonienne, bulgaro-turque, gréco-turque etc. C’est le seul avenir possible dans les circonstances d’aujourd’hui, pleines de turbulences et parfois de désespoir.
SEE à Paris sera consacré l’année prochaine au Centième anniversaire de la Premiere Guerre mondiale, qui se déroulait exactement dans les Balkans avec le fameux attentat de Sarajevo. Un grand débat sera organisé à l'INALCO, une anthologie de films sur le sujet de la première guerre mondiale, des livres de différents langues balkaniques qui ont inspiré des documentaires et des films de fiction, pour montrer la bonne volonté des créateurs de cette Europe profonde. La belle formule historique du grand balkanophile français Jacques Lacarrière (1925-2005) est de grand actualité aujourd’hui : Nous avions milliers mille hiers dans le passé, mais un seul demain dans l’avenir, c’est l’Europe unie.